J’ai décidé de me mettre en route vers l’Université, située à moins de deux kilomètres de la gare. Il fallait juste suivre la Calle 21, après avoir contourné une partie du rondpoint où se trouvait la statue de la Déesse du Chairá, une femme indigène de cinq mètres en granit qui est suspendue dans le vide. Mais c’est plutôt sur la surface d’une lacune légendaire qu’elle émerge et s’érige pour agiter les eaux, selon la mythologie uitoto. Le soleil dorait ce corps féminin aux lignes droites et puissantes tandis que je continuais à marcher sur le même trottoir pour rejoindre la Transvesal 6, direction sud-est. Puis, je me suis apprêté à traverser le pont du ruisseau La Perdiz. Je me suis arrêté au milieu de ce sentier étroit réservé aux piétons, alors que des voitures et des scooters circulaient en densité sur la chaussée. J’ai mis mes mains sur la balustrade jaune et métallique et me suis penché pour contempler le courant d’eau couleur gris taupe. Il court au fond d’une pente abrupte, un fossé de quinze mètres de profondeur couvert de fougères, sous l’ombre des arbres qui entrecroisent leur branchage robuste et leur feuillage épais et qui se tiennent sur les deux rives. Une petite jungle au milieu de la ville. J’ai pensé aux mille définitions du mot manigua.